Face à la viralité des réseaux sociaux et une société où l’hostilité gagne du terrain, le phénomène de grossophobie ronge des milliers de personnes souffrant de surpoids ou d’obésité. Il faut ici rappeler que 17,2 % des adultes en France sont touchés par l’obésité. Ces personnes souffrent encore aujourd’hui de discrimination car ils ne rentrent pas dans les standards corporels véhiculés par la société. Préjugés, insultes, actes de violence… Les personnes en surpoids sont les victimes de comportements que l’on regroupe désormais sous le nom de grossophobie.
Qu’est-ce que la grossophobie ?
Le terme de grossophobie, tiré de l’expression anglophone «fat phobia», est apparu au milieu des années 90 lors de la sortie du livre « Je suis grosse, et alors ? » de l’actrice française Anne Zamberlan. Il fait ensuite son entrée dans le dictionnaire Robert en 2019, qui le définit alors comme une «attitude de stigmatisation, de discrimination envers les personnes obèses ou en surpoids».
La grossophobie regroupe ainsi les comportements et les attitudes de nature hostile qui discriminent et stigmatisent les personnes obèses ou en surpoids. Elle trouve ses origines dans des stéréotypes et des préjugés, comme celui que le poids n’est qu’une question de volonté, plaçant les personnes concernées comme les seules responsables de leurs problèmes de poids. Les différents facteurs à l’origine du surpoids sont ainsi totalement occultés.
Ce phénomène peut se manifester de plusieurs manières :
- juger les actions des personnes en surpoids ou en obésité ;
- présupposer que des mauvais choix de vie sont la cause ;
- juger et hiérarchiser les gens en fonction de leur poids ;
- assurer qu’elles sont les seules responsables de leur «état» ;
- faire subir diverses agressions ;
- discriminer une personne à cause de son apparence et de son poids ;
- des critiques verbales ;
- des agressions humiliantes ;
- etc.
La grossophobie en France
Selon une enquête réalisée par Odoxa et publiée à l’occasion de la Journée mondiale contre l’obésité, qui se tient du 4 au 6 mars en France, les chiffres concernant la grossophobie en France sont édifiants : si 18 % des Français interrogés déclarent subir ou avoir subi des discriminations, ce chiffre monte à 23 % pour les personnes en situation d’obésité, et même jusqu’à 41 % pour les personnes en obésité massive.
La fréquence de ces discriminations est également très alarmante : l’ensemble de la population les subissent pour 54 % de manière hebdomadaire et pour 74 % mensuellement. Les personnes en situation d’obésité, pour leur part, sont confrontées aux discriminations à 70 % de manière hebdomadaire et à 92 % mensuellement !
Ces agressions ont aussi bien lieu dans la sphère publique (50 %), privée, scolaire, professionnelle et même médicale (19 %).
Les personnes victimes de grossophobie vivent cette discrimination dans leur vie de tous les jours. Cela peut passer par de pseudos conseils pour maigrir, se faire dévisager, avoir des remarques sur la tenue, se voir refuser un emploi, souffrir de difficultés pour l’accès aux soins médicaux ou à l’éducation…
En outre, les couvertures de magazine, les films, les médias, la presse, la publicité, les divertissements… L’ensemble de ces acteurs contribuent à renforcer la croyance selon laquelle perdre du poids ne serait qu’une question de volonté et d’effort personnel mais aussi le seul moyen d’être heureux. De plus, les infrastructures publiques, comme les sièges de spectacles, de métro ou d’avion, deviennent également des obstacles visibles du quotidien, témoins d’une société où la grossophobie est devenue une réalité.
La grossophobie médicale
Parmi les situations de discrimination basée sur le poids, la grossophobie médicale est également une réalité. En effet, le matériel médical, comme les lits d’hôpitaux, les tables d’examen ou les tensiomètres, ne sont pas adaptés à toutes les corpulences. Cela peut ainsi stigmatiser les personnes en obésité ou en surpoids et représenter un danger. Les personnes concernées sont en effet tentées de ne plus effectuer de suivi médical par peur ou par honte, sans oublier qu’elles sont souvent le sujet d’attitudes négatives de la part du personnel médical et blâmées pour leur corps.
Les professionnels doivent au contraire tout mettre en œuvre pour lutter contre cette forme de discrimination, en bannissant toute attitude de « body shaming » pour prôner la diversité corporelle (le « body positive ») avec une alimentation intuitive.
Les conséquences dévastatrices de la grossophobie
Ce phénomène de grossophobie met en place inexorablement une exclusion des personnes en surpoids ou en obésité. Ces dernières souffrent alors de conséquences physiques, psychologiques mais aussi sociales. Elles perdent confiance et estime de soi, se dévalorisent, culpabilisent et ont tendance à s’isoler.
Le risque de dépression est nettement plus élevé pour les personnes victimes de grossophobie. Elles peuvent également adopter des attitudes néfastes pour leur santé et développer des troubles du comportement alimentaire.
Ainsi, la discrimination et la grossophobie ne favorisent aucunement la perte de poids mais au contraire aboutir à accroître les difficultés et problèmes liés au poids.
Y a-t-il une loi pour lutter contre la grossophobie ?
La lutte contre la grossophobie a été amorcée aux États-Unis dans les années 1960 et 1970 avec un « fat-in » (de « sit-in » et « fat », gros) organisé à New York en 1967 et la fondation en 1969 de la National Association to Advance Fat Acceptance (NAAFA). Plusieurs associations ont ainsi vu le jour pour lutter contre la grossophobie, comme Allegro Fortissimo ou encore le collectif Gras Politique de la blogueuse féministe Daria Marx.
Il est important de préciser que la distinction opérée sur la base de l’apparence physique est considérée en France comme une discrimination en vertu de l’article 225-1 du code pénal. Toutefois, il faut savoir que cette forme de discrimination reste très difficile à prouver. Malgré tout, les personnes qui sont victimes de grossophobie peuvent déposer plainte auprès du Procureur de la République (ou du commissariat ou du doyen des juges d’instruction du Tribunal de grande instance) en se basant sur les articles 225-1 et suivants du Code pénal relatif à la discrimination.
Dans le cadre professionnel, les salariés victimes de grossophobie peuvent saisir le Conseil des Prud’hommes afin de signaler un motif discriminatoire et ainsi obtenir réparation du préjudice subi (article 1132-1 et suivants du Code du travail).
Quelles sanctions et quelles amendes contre la grossophobie ?
Des cas de jurisprudence montrent l’évolution de la société et leur engagement auprès des victimes de grossophobie.
On peut à ce titre évoquer la décision du tribunal de Grande Instance de Bobigny qui a condamné une compagnie aérienne à payer une amende de 8 000 euros à un passager d’environ 160 kg s’étant vu refuser l’embarquement dans un avion et forcer à acheter un second billet afin de pouvoir voyager.