L’Union Européenne (UE) est souvent perçue comme un monolithe. Pourtant, en matière de fiscalité, elle est toujours en quête d’un équilibre parfait entre la préservation de l’autonomie des États et la mise en place d’une politique fiscale commune et cohérente. Dans ce contexte, comment l’UE parvient-elle à équilibrer les intérêts nationaux avec la nécessité d’une politique fiscale cohérente à l’échelle continentale ? Pour répondre à cette interrogation, on fait le point avec Sébastien Retaux.
L’équilibre délicat entre fiscalité directe et indirecte
Premièrement, il faut savoir que la fiscalité est un pilier essentiel de la souveraineté d’un Etat. Par conséquent, la fiscalité directe, qui englobe des impôts comme l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés, reste fermement ancrée dans la compétence nationale. A contrario, la fiscalité indirecte, qui concerne des taxes comme la TVA ou les droits d’accise, est là où l’UE intervient de manière plus prononcée. Et pour cause, elle touche directement au marché unique européen, un des piliers fondamentaux de l’Union.
Afin de préserver l’intégrité de ce marché, l’UE a instauré un seuil minimal de TVA à 15 % depuis 1993. Bien que ce seuil serve de garde-fou, les États membres jouissent d’une certaine liberté, leur permettant d’ajuster leurs taux de TVA en fonction de leurs besoins économiques et sociaux. Par exemple, la France a choisi un taux standard de 20 %, tout en offrant des taux réduits pour des secteurs spécifiques comme la restauration ou la culture.
Les droits d’accise, ces taxes sur des produits spécifiques comme l’alcool ou le tabac, sont un autre domaine où l’UE cherche à éviter les distorsions de concurrence. En fixant des taux minimaux, l’Union s’assure que les échanges au sein du marché unique se déroulent sur un pied d’égalité.
Les initiatives européennes face aux défis fiscaux modernes
Au-delà de ces mécanismes traditionnels, l’UE est confrontée à des défis fiscaux modernes qui nécessitent une réflexion et une action innovantes. L’évasion fiscale, notamment celle pratiquée par les géants du numérique, est devenue un sujet brûlant. En réponse, l’UE a adopté en 2016 une directive visant à contrer les stratégies d’évitement fiscal des entreprises. Cette directive cible spécifiquement les entreprises qui transfèrent leurs revenus vers des pays à faible imposition où elles n’ont pas d’activité économique substantielle.
De plus, dans un effort de transparence, une majorité d’États membres a soutenu en 2021 un « rapport public pays par pays ». Cette initiative obligerait les grandes entreprises à divulguer des informations détaillées sur leurs opérations dans chaque pays de l’UE, mettant ainsi en lumière leurs pratiques fiscales.
Mais peut-être l’initiative la plus audacieuse est-elle celle concernant la taxation des géants du numérique, souvent appelée « taxe GAFA ». Bien que cette proposition ait rencontré une résistance considérable, elle témoigne de la volonté de l’UE de s’attaquer aux défis fiscaux du 21ème siècle avec un degré d’efficacité maximal.