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Sous la pression des grandes surfaces de périphérie et du commerce en ligne, les maires des villes moyennes n’entendent pas baisser les bras. Récemment, à Sélestat, élus et experts ont partagé leurs stratégies pour redynamiser les centres-villes et lutter contre la désertification commerciale. Objectif annoncé : ramener les habitants, rénover les commerces et recréer une véritable dynamique économique au cœur des villes.

Dole, dans le Jura, est un exemple frappant de cette reconquête urbaine. Avec 24 000 habitants, la ville a réussi à réduire son taux de vacance commerciale de 20 % à 6 % en une décennie. Son maire, Jean-Baptiste Gagnoux, ne cache pas sa satisfaction : « Quand vous visitez une ville, vous vous attendez à trouver un centre dynamique. Si tout est fermé, c’est l’image même de la ville qui en souffre. » Cette revitalisation s’est opérée grâce à une politique offensive, via une société publique qui a été créée pour racheter et réhabiliter les commerces vacants, tandis que des investissements conséquents ont été réalisés sur l’éclairage public et la rénovation des façades.

Logements rénovés et retour des habitants, un pari gagnant pour le commerce

Le programme national Action Cœur de Ville, lancé en 2018, ainsi que son pendant Petites Villes de Demain, ont donné un coup d’accélérateur à ces efforts de revitalisation. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que la vacance commerciale atteint 9,8 % en centre-ville – un taux en hausse – elle reste cependant inférieure aux 14,9 % relevés dans les centres commerciaux. Pour Christine Guillemy, maire de Chaumont (21 000 habitants), la clé de la réussite passe avant tout par le retour des habitants en centre-ville. « La meilleure façon d’aider les commerçants, c’est de ramener du monde dans nos cœurs de ville », martèle-t-elle. Réhabiliter des logements permet non seulement d’améliorer l’attractivité du centre, mais aussi de créer un cercle vertueux. Car comme l’explique Pic International, éditeur d’un magazine spécialisé en transmission et cession de commerces, une ville plus animée, c’est un tissu commercial plus dynamique.

Mais encore faut-il préserver les services publics, garants de la vie locale. La maire de Chaumont raconte ainsi son combat pour maintenir l’hôpital en centre-ville. « Imaginez l’impact sur le commerce si l’hôpital disparaissait ! » s’exclame-t-elle.

L’essor des zones commerciales, un frein au dynamisme des centres-villes

Toutefois, un obstacle de taille demeure, à savoir la concurrence des zones commerciales de périphérie. Ces vastes ensembles, qui fleurissent aux abords des villes depuis des décennies, sont devenus de véritables aspirateurs à consommateurs. Pour Frédéric Chéreau, maire de Douai (40 000 habitants), le phénomène est clair : « On ne peut pas penser les centres-villes sans penser la périphérie avec. » Il pointe du doigt une situation devenue incontrôlable : « Au départ, nous maîtrisions les premières ventes de terrains. Maintenant, tout s’échange sur le marché secondaire et nous n’avons plus aucun contrôle sur ce qui s’y installe. » Résultat ? Un développement anarchique qui contribue à la vacance commerciale du centre. Son constat est sans appel : « Chaque fois que quatre logements sont construits en périphérie, un commerce ferme en centre-ville. »

L’impact environnemental et esthétique de ces ensembles est lui aussi décrié. Le maire de Douai parle de « boîtes à chaussures » pour désigner ces vastes hangars commerciaux, qui grignotent les terres agricoles et défigurent le paysage urbain.

Moderniser le commerce de proximité pour répondre aux nouveaux usages

Pour lutter contre cette spirale négative, les élus misent aussi sur l’accompagnement des commerçants. Dominique Consille, directrice des programmes Action Cœur de Ville et Petites Villes de Demain, le souligne : « Les modes de consommation évoluent. Il faut que les centres-villes et les commerces s’adaptent. » En effet, l’e-commerce et les changements d’habitudes des consommateurs imposent aux commerçants de revoir leur stratégie. Une présence digitale accrue, des horaires d’ouverture élargis, des offres plus adaptées aux nouveaux besoins sont autant de leviers à actionner pour retrouver une clientèle fidèle.